La confiance, le moteur du management technique chez Golem.ai

Emmanuel Micard, Développeur Frontend Senior chez Golem.ai

Dans l’étymologie latine, le mot « confier » est l’addition de deux mots : « cum » et « fidere », que l’on pourrait traduire par « avec » et « compter sur ». Il signifie que l’on confie quelque chose de précieux à quelqu’un. C’est tout à fait exact lorsque, en tant que manager, vous devez confier à vos collaborateurs des responsabilités qui auront un impact considérable sur l’entreprise.

En tant que manager, selon notre cursus, notre expérience en développement est très variable. Vous pouvez être un vétéran avec 10 ans d’expérience ou un débutant poussé dans le monde du management : nous pouvons convenir que manager des personnes est une science complexe. Ainsi, dans une culture de travail moderne abandonnant le contrôle au profit de l’autonomie, le management est basé sur le degré de confiance accordée par le manager à ses développeurs et son niveau technique par rapport à leurs productions.

Qu’est-ce que la confiance ?

L’établissement d’un climat de confiance est le résultat d’une confiance mutuelle entre vous et vos collègues ou collaborateurs. Je définis la confiance comme la faculté que vous avez à laisser quelqu’un s’occuper, assumer ou gérer une responsabilité conformément à vos attentes (ou aux attentes communes). Au début, le concept de confiance peut être difficile à saisir. Vous pouvez avoir du mal à mesurer l’expression de la confiance entre vous et vos collaborateurs. Il ne s’agit pas de quelque chose de tangible, pour commencer, posez-vous des questions concrètes pour mesurer votre confiance vis-à-vis de vos collaborateurs.

Puis-je laisser ce collaborateur s’occuper de cette fonction très complexe ? Puis-je faire confiance à cette personne pour résoudre cet incident ? Puis-je la laisser s’occuper de cette tâche délicate ? Puis-je faire confiance à cette personne pour s’occuper de ce projet pendant deux semaines ?… Normalement, vous devriez sentir si vous pouvez faire confiance à quelqu’un. Mais attention, la confiance va dans les deux sens : vos collaborateurs doivent également avoir confiance en vous. En tant que manager, il vous incombe aussi d’être digne de confiance afin de devenir un leader efficace.

Des compétences difficiles à acquérir ?

Lorsque vous atteignez des postes de direction, vous avez probablement dû perfectionner vos compétences techniques : programmation, planification, apprentissage… Votre expérience vous rend digne de confiance pour concevoir et diriger un projet technique. D’après mon expérience, je pense que la gestion d’une équipe requiert un minimum d’expérience. Vous n’avez pas besoin de tout savoir sur tous les domaines tech : le backend, le frontend, le DevOps, quelles sont les “best practices”, l’algorithmie… Cependant, vous devez avoir une compréhension partagée des problèmes et des besoins de vos collaborateurs. Si la confiance est au cœur de toute relation au travail, c’est aussi une excellente solution de repli entre vous et vos collaborateurs lorsque vos compétences tech atteignent leurs limites.

Associer la confiance à ses compétences techniques pour manager son équipe

D’après mon expérience, je peux décrire quatre situations dans lesquelles un manager peut se retrouver en fonction de son parcours. Dessinons donc ce graphique de la relation confiance/compétences tech.

  • L’axe de la confiance représente la confiance entre le manager et ses collaborateurs.
  • L’axe des compétences représente les compétences et les connaissances techniques du manager.

Peu de confiance / Peu de compétences 

En effet, si vous n’avez pas confiance en vos collaborateurs et que vous n’avez pas d’expérience ni de compétences solides, il vous sera difficile de gérer votre équipe. Il y a peut-être de bonnes ou de mauvaises raisons pour lesquelles vous êtes devenu manager, mais en fin de compte, si vous ne vous sentez pas à l’aise dans cette position, vous devriez vous demander comment vous en êtes arrivé là plutôt que de trouver des solutions. Si vous n’avez pas le choix, bon courage ! Je vous invite alors naturellement à vous former au plus vite.

Faible confiance / Grandes compétences

Vous avez sûrement été promu manager parce que vous étiez le meilleur développeur de votre équipe et que vous avez été promu « manager » ou « chef d’équipe » parce que vous avez fait preuve d’excellentes compétences. Il est bon de faire preuve de compétences solides pour créer de bons projets tech, mais il n’est pas nécessaire d’avoir les mêmes compétences pour gérer des personnes.

Être un bon développeur ne fait pas nécessairement de vous un bon manager.

En tant que développeur expérimenté, vous savez la plupart du temps mieux que vos collaborateurs ce qu’il faut faire et comment le faire. Parfois, le fait de savoir mieux que les autres ne vous aide pas à faire avancer les choses, et le fait de penser que vous savez mieux que les autres est purement toxique. Si vous avez l’impression de ne pas pouvoir faire confiance aux membres de votre équipe, vous risquez de ne pas aimer votre travail. L’un des risques d’un manque de confiance dans votre équipe est de devenir un micro-manager.

Le micro-manager 

Un effet secondaire du micro-management est que le manager devient le goulot d’étranglement et le point unique de défaillance de son équipe. Ce qui est en totale contradiction avec son objectif principal : accroître l’efficacité de son équipe. Le manager est aux rênes d’une équipe pour être un multiplicateur à la valeur ajoutée de chaque développeur. Le micro-manager oblige tout le monde à venir le voir avant de prendre des décisions parce qu’il ne peut pas leur faire confiance pour prendre les bonnes décisions et qu’il ne veut pas payer le prix de leurs erreurs. Il a du mal à déléguer le travail et doit tout contrôler. Il assiste probablement à toutes les réunions et demande toutes les heures si le projet est « sur la bonne voie ».

Cette situation est frustrante pour tout le monde, c’est énergivore pour que le micro-manager ait suffisamment de contrôle sur ses collaborateurs, et frustrant pour les développeurs de ne pas être autonomes. Un autre risque à éviter est, lorsque l’équipe n’est pas performante (à cause du micro-management) ou lorsque l’équipe grandit, que le manager tombe dans l’hyper-process pour garder le contrôle.

Le “process monster”

Comme le dit Cate Hudson dans Leading your engineering team with ‘experiments’ not ‘processes’ : Un “process-monster » est un manager pour qui la réponse est toujours, toujours « processus ». Pour éviter les échecs, il ajoute de plus en plus de processus jusqu’à ce que tout soit sous contrôle et que personne ne puisse faire d’erreurs. Tout cela crée un environnement de méfiance qui n’est pas viable et frustrant pour tout le monde.

Le questionnement 

Si vous avez l’impression de ne pas pouvoir faire confiance à vos collaborateurs, je vous suggère d’envisager d’y travailler et de régler ce problème. Commencez par vous poser la question :

  • Y a-t-il des déficits culturels ou structurels dans mon entreprise qui expliquent cette situation ?
  • Quelles sont les causes profondes d’un environnement de travail aussi peu sûr ? (la méthode des 5 pourquoi devrait vous aider)
  • Ou simplement, que puis-je faire de mieux pour gagner la confiance de mes collaborateurs ?

Forte confiance / Faibles compétences 

Vous avez une bonne confiance en vos collaborateurs, ce qui signifie que vous pouvez facilement déléguer du travail. C’est un bon début ! Mais parfois, cela peut signifier que vous avez du mal à les suivre lorsqu’ils rentrent dans les détails techniques, de modèles ou de langage technique que vous ne connaissez pas. Ne vous inquiétez pas, la communication est votre alliée ici.

Communication continue

Si vous ne comprenez pas ce que fait votre developpeur, c’est une double opportunité : pour lui, d’améliorer sa communication en fonction de son interlocuteur, et pour vous, d’améliorer vos compétences tech. Communiquer tôt et souvent est essentiel pour éviter les malentendus. Je ne veux pas dire qu’il faut être derrière leur dos toute la journée, mais plutôt faire des bilans quotidiens. Trouvez ce qui convient le mieux aux besoins de votre équipe. Établissez des bilans récurrents avec vos collaborateurs pour voir s’ils sont sur la bonne voie et pour comprendre ce qu’ils sont en train de construire.

Avec le temps et en vous formant vous-même, vous vous améliorerez et développerez vos compétences tech. Cela vous conduira vers une position où vous aurez suffisamment de confiance et de compétences pour les manager. Le seul risque lorsque vous n’avez pas assez de compréhension technique sur le travail de votre developpeur est de lui faire trop confiance et de vous faire avoir.

« Trompez-moi une fois, mais pas deux ! »

Je vais vous parler de mon expérience de jeune développeur aspirant manager. Il m’est arrivé, au cours de projets, de me retrouver dans des situations inconfortables parce que je n’avais pas suffisamment d’informations sur le travail de mes collaborateurs.

Cela s’est produit pour deux raisons :

  • Pas assez de communication entre nous.
  • Ne pas avoir assez de compétences tech pour comprendre ce qu’ils développent.

Cela a abouti à des situations frustrantes où je n’étais pas au courant de l’avancement des tâches des membres de mon équipe. Je n’étais pas en mesure de dire à mon supérieur si le projet était en bonne voie ou si nous étions en retard. Dans cette situation, si vous faites confiance aux membres de votre équipe sans savoir s’ils vont dans la bonne direction, vous risquez de découvrir trop tard que le projet va échouer.

Il est essentiel de faire confiance à vos collaborateurs, mais il ne suffit pas de supposer que tout ira bien parce que vous leur faites confiance. Établissez une communication continue (comme mentionné précédemment) et demandez-leur de vous vulgariser ce qu’ils sont en train de construire. Vous devez toujours être à l’aise pour pouvoir expliquer le travail de vos collaborateurs.

Lors de chaque erreur ou de mauvaise estimation temporelle, profitez-en pour apprendre et évitez cette situation la prochaine fois ! Avec le temps, vous deviendrez meilleur dans le cadrage, l’estimation et la compréhension de ce que votre équipe est en train de construire. Mais sachez qu’il faut du temps pour trouver la bonne alchimie avec son équipe. C’est par la confiance et la communication que vous parviendrez à cet objectif.

Forte confiance / Grandes compétences 

Si vous avez atteint ce stade, cela signifie que vous êtes en très bonne position pour être un bon manager. Vous avez l’expérience et les compétences nécessaires pour diriger les décisions de votre équipe et vous avez confiance en ses performances. Mais vous vous demandez peut-être : comment améliorer mes compétences en matière de management ?

Comment développer la confiance ?

Être manager, par opposition aux devs qui s’occupent du code, signifie qu’il faut s’occuper de son equipe. Cela requiert des compétences complètement différentes. Selon votre position dans l’entreprise, votre influence, et si vous avez été promu ou recruté en tant que manager :

La confiance n’est pas acquise, il faut du temps et des compétences pour la gagner.

Établir la confiance avec les membres de votre équipe devrait être votre principal moteur pour devenir un manager performant. La confiance est importante. Je vous encourage au plus vite à construire une culture d’entreprise fondée dessus. Voici quelques conseils, tirés de mon expérience, pour accroître la confiance en tant que manager, en d’autres termes : être un meilleur manager.

Devenir un meilleur manager

Avertissement : ces conseils ne sont pas classés par ordre d’importance.

  • Créez un environnement de travail sûr, avec des feedbacks clairs, notamment lorsque vos collaborateurs commettent des erreurs. C’est déjà assez difficile pour un developpeur de gérer ses échecs. Ne lui mettez pas trop de pression. Parlez-en, aidez-le à apprendre et à progresser à partir de ses erreurs avec un feedback approprié.
  • Donnez des responsabilités. L’un des signes les plus évidents de confiance est le fait de confier des responsabilités ou de déléguer. Ainsi, vous manifestez un intérêt direct pour votre collaborateur. Vous lui montrez que vous pouvez compter sur lui.
  • Félicitez le succès et donnez des récompenses. La plupart du temps, cette étape est oubliée par les managers moins expérimentés. Lorsque l’un de vos collaborateurs (ou l’équipe) a fait du bon travail, félicitez-le ! Il est toujours gratifiant d’être reconnu pour un son travail. Trouvez la meilleure façon de les récompenser, certains préfèrent être félicité à part, tandis que d’autres veulent le partager avec l’équipe.
  • Définissez clairement ce que vous attendez de votre collaborateur, afin d’éviter toute frustration (de part et d’autre). Si vous avez des attentes claires à l’égard d’un membre de votre équipe, vous devez les lui décrire. Vos collaborateurs ne devraient pas avoir à découvrir par eux-mêmes vos attentes.
  • Assurez du mentorat . Si nécessaire, il est important que vous participiez à la croissance de votre collaborateur en l’encadrant. Il peut s’agir d’améliorer ses compétences, de partager ses connaissances, de l’aider à acquérir des compétences non techniques… Le mentorat peut venir de vous ou d’un autre développeur.
  • Protégez votre équipe (alias « le bouclier »). Pour être un manager efficace, il est essentiel d’éviter les distractions afin que votre équipe reste concentrée. Il vous incombe de créer un environnement de travail et un espace sûr pour que vos collaborateurs soient performants. Évitez autant que possible les tâches stressantes et les périodes de rush. Mais parfois, et pour de bonnes raisons évidemment bien communiquées avec votre équipe, une période de rush peut survenir. Dans cette situation, soyez d’un grand soutien…
  • Soyez solidaire. En tant que manager, il est important de montrer à votre équipe que vous vous souciez d’elle. Vous devez les aider dans les périodes de rush et vous engager à réduire leur stress : dites-leur que vous appréciez leur travail acharné, commandez des pizzas, faites-leur comprendre que vous leur accorderez des pauses après le rush… Ils doivent se souvenir que leur manager les a soutenus pendant les périodes de stress.
  • Gérer les performances et l’évolution de carrière. Trouvez ce qui motive votre collaborateur et discutez avec lui de son évolution de carrière. Définissez avec lui un chemin clair vers la réussite et les étapes à franchir pour y parvenir. Si vous n’avez pas de Career Ladder (d’échelle de carrière), je vous suggère d’en définir une au plus vite.
  • Faites ce que vous avez à faire ! Il est toujours important de faire ce que l’on dit. Cela vous donne une bonne crédibilité et montre que votre équipe peut compter sur vous pour l’aider. Lorsque des situations difficiles surviennent et qu’elles ont un impact direct sur les performances de votre équipe, c’est à vous de trouver une solution et de régler le problème.
  • Apprenez à connaître vos collaborateurs en tant que personne. Cela peut paraître évident, mais en savoir un peu plus sur la vie personnelle et les loisirs de vos collaborateurs ne peut que vous apporter des avantages. Cela crée un lien particulier qui facilitera la collaboration dans les moments difficiles.
  • Adaptez votre style de management. Parce que chaque personne est différente, vous ne pouvez pas copier/coller votre style de management et espérer qu’il fonctionne. Feedback, format 1-1, mentorat, récompenses… Adaptez-les à la personne que vous managez.

Pour conclure, j’aime penser qu’un manager n’est pas un boss qui utilise ses collaborateurs pour ses propres fins, mais un leader qui est au service de son équipe.

instaurer une culture de confiance demande des efforts mais, au bout du compte, elle est payante. Elle peut aider à compenser les limites de vos compétences tech et crée un environnement de travail sûr pour tout le monde.