Entretien avec Sophie Duême, co-auteure de l’ouvrage “Pro en Relation client” édité par Vuibert. Sophie Duême porte 30 ans d’expériences dans le domaine de la relation client. Elle a créé Confiance client en 2010 et accompagne les projets d’amélioration de la performance de la relation client crosscanal. Découvrez dans cette première partie d’interview les principaux métiers, les outils et les indicateurs de la relation client.
Jean-Denis Garo : Comment définiriez-vous la promesse de la relation client / l’expérience client ? Quel est le rôle du CXO ?
Sophie Duême : La promesse de la relation client peut se résumer au niveau de service que la marque/l’entreprise veut délivrer à ses clients. La question à poser est : qu’est-ce que l’entreprise veut faire vivre comme expérience à ses clients ? En pratique, il faut d’abord définir ses objectifs et les traduire en “indicateurs” internes (suivi par l’entreprise) et externes (communiqués au client) en toute transparence. Pour exemple, des objectifs seraient : une relation client accessible, haut de gamme, personnalisée, réactive, facilitée, créatrice de valeur, etc… De fait, les indicateurs se traduiront de différentes manières : par exemple l’analyse du taux de réponse : en moins d’une minute au téléphone, et un temps de réponse aux e-mails en moins de 24h.
Le taux de satisfaction client est également un indicateur à surveiller. Il existe plusieurs outils spécifiques comme le NPS (Net promoter score), Best Effort, CSAT, et il peut être intéressant de communiquer en extérieur certains indicateurs. Sur la question du rôle du CXO, force est de constater que le poste n’existe pas dans toutes les entreprises… On trouve plus généralement un DRC, mais depuis quelques années est apparue cette (excellente) idée d’expérience client, particulièrement dans les entreprises les plus matures.
Les entreprises qui ont nommé un CXO sont attentives à toute l’expérience client sur l’ensemble de ce qu’on appelle le parcours client. En bref toutes les interactions entre le client/prospect et la marque, sur l’ensemble des canaux. Son rôle est majeur, car il doit convaincre toute l’entreprise de l’intérêt porté au client et s’assurer que ce dernier est vraiment mis au centre et pas seulement en affichage ! Il devient le véritable porte parole du client et c’est ainsi que le poste prend tout son intérêt.
Son rôle est vraiment de fluidifier toute l’expérience client, il en porte la responsabilité. Il travaille en transverse avec les fonctions commerciales, RH, Marketing. Directement rattaché à la DG, il gagne sa légitimité. Ça l’amène à vérifier également si les collaborateurs sont à l’aise avec les process, les outils utilisés, s’ils portent les couleurs de leur entreprise, s’ils en sont fiers ! L’insatisfaction client est souvent le reflet d’une insatisfaction des collaborateurs, et vice versa. Le CXO a aussi un rôle majeur à jouer dans l’engagement collaborateur. Aujourd’hui, l’enjeu est de reconnaître l’expérience client comme une discipline aussi importante que le marketing et le commerce… une discipline qui participe à la création de valeur.
La presse parle beaucoup d’omnicanalité, de parcours sans couture (seamless). Quel est votre avis sur l’adoption de ces outils aujourd’hui ?
C’est toujours le rêve ! Un parcours client fluide, quel que soit le canal, un niveau d’information cohérent partout, une identité homogène, aucune friction quand on change de canal, un client reconnu partout …
On a beaucoup progressé. Encore il y a peu, quand on allait dans un grand magasin “de produits culturels et techno” pour un SAV concernant un achat en ligne, on nous riait au nez avec des formulations hasardeuses (“Vous avez acheté votre produit sur le site web ? C’est pas du tout comme nous, chère madame”).
Si on s’intéresse à ce qui permet le sans couture (seamless) : l’enjeu est de transposer les contextes. Des outils communs et performants : il y en a plein. Un référentiel client unique, qui enrichit la connaissance des clients et permet l’efficacité des interactions, c’est plutôt du “work in progress”. Des processus qui tiennent la route avec des canaux interconnectés : là c’est plus compliqué.
Il faut s’attacher à obtenir une impulsion qui vient des équipes dirigeantes : sans cette impulsion, pas de sans couture. Il ne faut pas négliger un accompagnement de tous les instants. Il se traduit par une prise de conscience, une volonté d’agir dans le même sens, un discours commun en interne, une capacité à s’investir, des ressources consacrées à la communication en interne, à la formation, à l’évaluation du niveau de service dispensé. Une véritable approche sans couture va nécessiter de casser les silos. Cela reste utopique aujourd’hui, avec la multiplication des points de contact. C’est un défi technologique autant qu’humain. Dans la réalité, il faudrait s’en approcher le plus possible, travailler sur le sans couture accessible, reconnaître que le total seamless n’existe pas.
Le sujet de la performance des outils est clé. Pourquoi et quels en sont les indicateurs ?
Dans le domaine de la relation client à distance, il faut considérer deux types d’outils : ceux à la disposition des équipes (solution centre de contacts, CRM, ERP, messageries, base de connaissances…) et ceux à la disposition des clients (espace client, selfcare, chat…). L’enjeu côté client est de lui donner le bon outil où il pourra suivre son sujet de façon autonome de façon simple. C’est clé parce que la relation client de qualité dépend de ces outils, leur disponibilité, leur facilité d’utilisation, leur interconnexion.
Plusieurs indicateurs sont à considérer :
- Le taux de disponibilité des outils, le temps de réponse.
- La facilité d’accès au support : qui répond ? Qui dépanne ? Qui fait remonter les incohérences ou les suggestions d’évolution ?
- Le taux de complétude des bases, taux d’incohérences de bases, correction de celles-ci,
- mais aussi : l’ergonomie, la fluidité, l’esthétique (UX-UI) d’un outil qu’on utilise au quotidien pendant 7,5h et qui permet de tracer toutes les interactions… Aujourd’hui un conseiller client est de plus en plus outillé.Toujours penser lors de l’analyse de la qualité de la réponse donnée, à checker les outils utilisés et la pertinence des paramètres par exemple.
D’autres indicateurs, pour piloter l’expérience client, existent : NPS (Net Promoter Score), CES (Customer Effort Score) ou même FCR (First Contact Resolution). Quel est celui qui est privilégié aujourd’hui ?
Tout dépend de la maturité de l’entreprise (pas la peine d’avoir 50 mesures quand on démarre) et de son ambition en matière de niveau de service.
L’outil ne vaut que si il est :
- cohérent avec les objectifs de l’entreprise
- mesurable
- partagé
- actionnable
Le NPS est très en vogue depuis le début des années 2000, on pensait, alors, avoir trouvé le Graal des indicateurs : simple, efficace… L’objectif initial était de pouvoir comparer facilement plusieurs entreprises. Cela se révèle plus intéressant pour une entreprise avec des services ou filiales comparables. Dans les faits, le NPS est parfois compliqué à expliquer aux équipes, pas forcément simple à analyser, ni actionnable facilement et parfois démoralisant (les scores négatifs dans les services back-office…) qui engendre parfois une perte de confiance des équipes. Mais c’est un outil encore très fréquemment utilisé.
Il est intéressant si on a la possibilité d’analyser précisément les motifs d’insatisfaction des détracteurs et ce qui enchante les promoteurs ; l’exploitation des verbatims est un sujet essentiel dans la démarche qualité.
Aujourd’hui, ma préconisation est de commencer par une CSAT, cette dernière peut rapidement apporter les enseignements et les améliorations escomptées. Et dans tous les cas, bien réfléchir à l’objectif poursuivi et aux moyens qu’on peut y consacrer en analysant l’ensemble du parcours client. Tous ces indicateurs de mesure doivent être des clés pour progresser, innover, se réinventer en permanence. Sinon l’intérêt sera limité.
Découvrez les autres interviews de notre série Interfaces :
- Interfaces avec Gilbert Ton – Fondateur-Associé de NewCo Data Services et co-auteur de l’ouvrage “Chief Data Officer” édité par Eyrolles en septembre 2020.
- Interfaces avec Alain Conrard, CEO de Prodware Group et Président de la Commission Digitale du mouvement des ETI (METI). Auteur de “Osons ! Un autre regard sur l’innovation”
- Interfaces avec Mick Levy, Directeur de l’innovation business chez Business & Decision, et spécialiste de la donnée. Auteur de “Sortez vos données du frigo”
- Interfaces avec Céline Forest, élue « personnalité client de l’année 2019 » par le média RelationClientMag, détentrice de la palme d’argent « du directeur client de l’année 2019 » (AFRC) et reconnue par Les Echos avec un Next Leaders Award (2020), est l’auteure de “Expérience clients, la revanche du BtoB”
- Interfaces avec Alain Yen-Pon, co-auteur de l’ouvrage « Chief Data Officer »
- Interfaces avec Sophie Duême (partie 2), co-auteure de l’ouvrage « Pro en Relation Client »
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